DELTA DU MÉKONG : LE CHANGEMENT CLIMATIQUE MENACE LE « GARDE-MANGER » DU VIETNAM
Hausse du niveau d’eau, extrêmes sécheresses, perturbations météorologiques… Nombreuses sont les conséquences du changement climatique que la Terre connait aujourd’hui. Malgré son empreinte carbone mondiale relativement faible, le Vietnam est lui aussi menacé par de nombreux
Hausse du niveau d’eau, extrêmes sécheresses, perturbations météorologiques… Nombreuses sont les conséquences du changement climatique que la Terre connait aujourd’hui.
Malgré son empreinte carbone mondiale relativement faible, le Vietnam est lui aussi menacé par de nombreux risques environnementaux.
Pays au climat tropical et très humide, le Vietnam – situé à l’est de la péninsule indochinoise – fait lui aussi face à de multiples défis climatiques. La région du delta du Mékong apparait aujourd’hui comme l’une des zones les plus vulnérables. Elle connait en effet des menaces importantes pouvant engendrer de graves conséquences pour la population, à mesure que le changement climatique progresse.
Delta du Mékong : le « garde-manger » du Vietnam
Littéralement surnommé le « delta des 9 dragons », le delta du Mékong s’étend sur plus de 40 500 km² et constitue l’une des principales zones d’agriculture et d’aquaculture du Vietnam. Abritant 17 millions de personnes, vous pourrez y voir défiler des champs à perte de vue.
Or, si cette région représente presque ¾ de la production agricole et d’aquaculture du pays, notamment grâce à ses immenses cultures de riz, elle se situe également à une altitude moyenne de 80 cm au-dessus du niveau de la mer. Sa position géographique en fait ainsi l’une des zones les plus vulnérables du Vietnam.
La goutte d’eau qui fait déborder le vase
En 2019, le think-tank allemand Germanwatch attribuait déjà au Vietnam un indice de risque climatique de 29.83, faisant de lui le 6ème pays le plus menacé par des évènements climatiques. Dès 2017, le chef de l’unité « Changement climatique et environnement » du Programme des Nations Unies pour le développement du Vietnam – Dao Xuan Lai – tirait la sonnette d’alarme. A l’époque déjà, une succession de tempêtes survenues en raison du dérèglement climatique avait entrainé de multiples inondations et glissements de terrains dans la région. Depuis, on estime que si le niveau d’eau venait à croître d’un mètre, 40% du littoral seraient inondés, entrainant ainsi une perte de 40% de la production agricole et d’aquaculture du delta du Mékong. Et ce n’est que le début.
Que faut-il craindre à l’avenir ?
Si les tempêtes et typhons sont maintenant récurrents durant la saison des pluies au Vietnam, le changement climatique aggrave ces phénomènes et multiplie les risques d’inondations. A cela s’ajoute la montée du niveau d’eau, qu’on estimait déjà à 3,6 mm par an, de 1993 à 2019. Selon des scénarios plus ou moins optimistes, celui-ci pourrait encore augmenter de 24 à 84 cm d’ici la fin du siècle. A court et moyen-terme, la subsidence – l’affaissement des terres – causée par l’activité humaine et progressant plus rapidement que la montée des eaux inquiète également (IOPscience). Le delta perd en effet de la hauteur, encore plus rapidement que le niveau d’eau n’en gagne.
Si vous interrogez la population locale, sa principale préoccupation se focalise sur les modifications de salinité des eaux. En effet, avec la progression du changement climatique, le delta du Mékong connait des intrusions croissantes d’eau salée pouvant contaminer les aquifères d’eau douce, alimentant notamment les réserves d’eau municipales et agricoles, ainsi que les écosystèmes naturels.
Une productrice de Bến Tre ou un agriculteur de Cần Thơ vous expliqueront par exemple que le delta du Mékong tend à devenir plus salé à une certaine période de l’année et pour une durée changeante, mais que ce phénomène est très incertain et entraine parfois des conséquences majeures pour les cultures.
L’une des causes majeures serait l’érosion du lit des rivières. Ainsi, l’intrusion d’eau salée pourrait augmenter de 40% d’ici le milieu du siècle et réduire les ressources d’eau douce nécessaires à la culture de riz pendant la saison sèche. Dans les scénarios les plus extrêmes, environ 10% de la zone actuelle de culture de riz de l’hiver au printemps ne seraient plus exploitables. Or, en tant que 5ème producteur mondial de riz, ce produit assure non seulement la sécurité alimentaire du Vietnam, mais aussi des échanges commerciaux et 2/3 des emplois ruraux du pays. Des baisses de sa production engendreraient donc de fortes conséquences macroéconomiques et sociales.
Le déploiement d’effort en réponse au changement climatique
Pour faire face à ces défis, le gouvernement vietnamien a voté la Résolution 120, visant à « répondre activement au changement climatique » et « renforcer la gestion des ressources naturelles et la protection de l’environnement ». Elle a notamment pour objectif de rendre 80% de la production du pays durable d’ici 2050. D’autre part, une politique d’« organisation de l’espace territorial » a été instaurée pour diviser les terres selon leur écosystème local, afin d’adopter la meilleure approche pour parvenir à ces objectifs.
Des organisations internationales tentent elles aussi de répondre à ces défis, comme ce fut le cas lors de la Conférence du delta du Mékong de la Banque mondiale en juin 2019, avec l’attribution de 880 millions de dollars supplémentaires au pays pour implémenter sa résolution. A l’échelle locale, des initiatives telles que la « planification régionale proactive » de la Commission du Mékong aspirent à fonder un projet d’investissement conjoint entre les différents acteurs, pays et secteurs, dans ce même but.
Si des mesures sont mises en place par différents acteurs, elles ne sont néanmoins pas nécessairement bien accueillies par la population. Une étude sur la perception des risques du changement climatique chez les agriculteurs du delta du Mékong révèle par exemple que les mesures sont perçues de façon plus ou moins positive, selon que l’information provienne d’un proche, d’internet ou des autorités locales.
Tout espoir n’est cependant pas perdu. Bien que cela impliquerait un investissement massif des secteurs public et privé, le Programme des Nations Unies pour le développement décrit par exemple un grand potentiel des énergies renouvelables au Vietnam.
Par Emilie Tran – Lepetitjournal.com