Une exposition Asie au musée de l’Immigration où la présence de l’Union des Vietnamiens est comme une évidence
Cette démarche d’archiviste du dimanche a été aussi et surtout l’occasion de reprendre contact avec des anciens, pour revenir sur tel ou tel moment
Đắc Minh, contributeur à l’exposition Immigrations est et sud-est asiatiques depuis 1860
En mai 2022, par le biais d’un ami, j’ai reçu un mail d’Emilie Gandon, conservatrice au musée de l’Immigration.
En octobre 2023, j’entrai au musée de la Porte Dorée avec des copains de l’Union, pour voir la première exposition consacrée à l’immigration asiatique, de 1860 à nos jours (1) .
Pendant plus d’un an, avec Emilie en charge du commissariat de l’exposition, Chloé Dupont la curatrice et quelques personnes de l’Union (Union Générale des Vietnamiens de France) qui se reconnaîtront, nous nous sommes posé une seule question : que savons-nous et qu’avons-nous fait en tant que personnes, en tant que groupe, en tant qu’association pour rentrer dans l’histoire(s) d’une nation (2) . Pendant plus d’un an, nous avons échangé des dizaines de messages, parcouru des centaines de photos, relu des tonnes d’articles, recherché des affiches, exhumé des slogans, retrouvé des tracts, visionné et coupé des vidéos, interrogé des témoins. La demande du musée était simple : aidez-nous à donner une vision historique et contemporaine, la plus juste et appropriée possible, pour retracer les trajectoires individuelles et collectives des immigrés vietnamiens et de leurs descendants, pour donner à voir et à comprendre, pour interroger le rôle et la place de nos origines asiatiques jusqu’aux clichés et préjugés qui persistent.
Dès lors, partager avec l’équipe du Musée notre histoire a été un parcours plein de découvertes et d’émotions.
Car, comme souvent ce qui en reste, couvrant une toute petite partie de l’exposition, n’est rien par rapport à ce que nous avons retrouvé. Qu’importe la destination, ce qui compte c’est le chemin. Les programmes et affiches de la fête du Têt, qui s’étalent de 1956 aux années 2000 sont des trésors si éloquents sur l’évolution artistique, graphique et bien sûr politique du mouvement… De même, les innombrables photos du photographe Lê Tấn Xuân nous ont fait revivre des instants uniques mêlant l’intime d’une soirée entre amis au grandiose d’un 1 er mai de l’année 1975. Des instants capturés dans son objectif 50 mm aussi historiques que banals, que pour la plupart nous n’avons pas vécus, mais dont nous sommes les héritiers, d’une manière ou d’une autre. Cette démarche d’archiviste du dimanche a été aussi et surtout l’occasion de reprendre contact avec des anciens, pour revenir sur tel ou tel moment, en saisir la portée, en comprendre la genèse, saisir la petite histoire (d’amour) dans la grande H. On pourrait épiloguer des heures sur l’identité de l’auteur de la fameuse photo de la manifestation antiraciste de 1984 et son slogan iconique « pour une intégration dans l’identité ». Et puisque nous ne savons toujours pas qui en est l’auteur, nous savons mieux aujourd’hui qui était derrière cette manifestation. On pourrait aussi parler des anciens par qui tout a commencé, les Công binh, lorsqu’un vieux copain nous a ouvert l’armoire familiale où étaient préservées les affiches d’un certain Lê Bá Đảng, il était clair que cette histoire familiale était redevenue la sienne mais aussi la nôtre. Et puis, on pourrait aussi parler des photos de famille à Noyant, des non-dits d’une décolonisation injuste pour les uns, glorieuse pour les autres, de cette mémoire qu’il nous faut sortir de l’invisible.
Pour ma part, contribuer modestement à cette intention inédite, en prêtant des documents relevant de l’histoire de l’Union, était comme une évidence. Car l’histoire de la communauté vietnamienne de France ne commence pas le jour où l’Île de lumière(3) est revenue à bon port… Néanmoins, en posant dans ce musée la Une écarlate du journal Graffiti (4), vous comprendrez aisément le lien voulu entre l’histoire passée et le monde d’aujourd’hui. Français racisés, nous devons continuer à faire de ce pays une terre d’accueil et d’immigration.
Đắc Minh
« Immigrations d’Asie de l’Est et du Sud-Est en France depuis 1860 »
Du 10 octobre 2023 au 18 février 2024
Palais de la Porte Dorée
[1] (https://www.histoire-immigration.fr/programmation/expositions/immigrations-est-et-sud-est-asiatiques-depuis-1860). [2] Tiré de l’ouvrage titre éponyme de Carl Aderhold et Françoise Davisse [3] ’Île de lumière: bâteau affrété à la fin des années 70 par Bernard Kouchner [4] Graffiti : Journal de l’UJVF dans les années 1980-2000