Le commerce de biens entre la France et le Vietnam en 2024 : des échanges en nette hausse
En 2024, la France a échangé pour 8,5 Md EUR de biens avec le Vietnam (+11,5%). Avec des exportations valorisées à 1,5 Md EUR (en forte hausse+26%), la France est le 21ème fournisseur du Vietnam

En 2024, la France a échangé pour 8,5 Md EUR de biens avec le Vietnam (+11,5%). Avec des exportations valorisées à 1,5 Md EUR (en forte hausse+26%), la France est le 21ème fournisseur du Vietnam avec une part de marché stable et estimée à un peu plus de 0,5%.
Résumé : en 2024, la France a échangé pour 8,5 Md EUR de biens avec le Vietnam (+11,5%). Avec des exportations valorisées à 1,5 Md EUR (en forte hausse+26%), la France est le 21ème fournisseur du Vietnam avec une part de marché stable et estimée à un peu plus de 0,5%. Les importations, estimées à 7 Mds USD en 2024 (+8,4%), ont encore creusé le déficit bilatéral (5,5 Md EUR), qui devient le cinquième déficit bilatéral français (7ème en 2023). Ce déficit tient essentiellement à des facteurs structurels (rôle d’”atelier du monde” joué par le Vietnam, concurrence asiatique, etc.). A l’avenir, cependant, certaines évolutions règlementaires (ajustement carbone aux frontières, devoir de vigilance, etc.) et sociétales (développement des classes moyennes, vieillissement, etc.) pourraient participer à rééquilibrer à la marge nos relations commerciales.
1. Un commerce dynamique entre deux partenaires secondaires
En 2024, selon les douanes françaises, la France a échangé pour 8,5 Md EUR de biens avec le Vietnam (+11,5%), enregistrant un déficit de 5,5 Md EUR (+4,3%).
Ce résultat intervient alors que le commerce extérieur de marchandises du Vietnam a augmenté de 15,4% en 2024 pour atteindre 786,3 Mds USD, un nouveau record, cependant que les échanges internationaux de la France ont, eux, enregistré un léger recul (-1,6% pour les exportations ; -4% pour les importations). Les douanes vietnamiennes font de la France le 24ème partenaire commercial du pays (0,7% du total des échanges de biens), et son quatrième partenaire européen derrière les Pays-Bas (10ème), l’Allemagne (13ème) et l’Italie (21ème). 7ème déficit bilatéral français en 2023, le déficit de la France avec le Vietnam devient ainsi notre cinquième déficit bilatéral, et le deuxième hors Union Européenne, (loin) derrière la Chine. Il demeure néanmoins limité en valeur (2,6% du déficit commercial français). Concernant le commerce de services, les dernières données disponibles datent de 2021. Elles faisaient apparaître un solde positif (225 M EUR) pour la troisième année consécutive, pour des échanges en forte augmentation (1,1 Md EUR, en croissance de 50%).
Avec des exportations estimées à 1,5 Md EUR en 2024, en hausse de 26%, la France est le 21ème fournisseur du Vietnam avec une part de marché stable et estimée à un peu plus de 0,5%.
S’il s’est agi de la meilleure performance française à l’export vers le Vietnam depuis 2019, la part de marché de la France tend à baisser depuis une dizaine d’années (0,8% en 2014) et est inférieure à celles de l’Allemagne (0,99%) et de l’Irlande (0,96%). Alors qu’en 2023, près des trois quarts des exportations françaises étaient concentrées autour de quatre postes[1], les exportations françaises se sont diversifiées en 2024. Poursuivant leur forte croissance (+37,7%), les produits pharmaceutiques représentent 24% des exportations françaises vers le Vietnam (364,4 M EUR)[2], devant les produits de la construction aéronautique et spatiale, qui ont été multipliés par près de 18 pour atteindre 227 M EUR (15% des exportations françaises) grâce à la livraison de trois A Airbus A320 Neo à Vietjet. Ensemble, les principaux produits agroalimentaires (boissons, produits laitiers et glaces, produits alimentaires divers, produits sylvicoles) ont, eux, représenté 9,9% des exportations françaises vers le pays. Les exportations de parfums et cosmétiques, qui représentaient en 2023, 6,9% du total, poursuivent en revanche leur repli (-9,7% en valeur en 2024, après -20% en 2023) pour ne plus représenter que 5% des exportations françaises vers le Vietnam.
Avec des importations estimées à 7 Mds USD en 2024, en hausse de 8,4%, la France est un marché très secondaire pour le Vietnam (24ème client, 0,8% des exportations vietnamiennes).
Comme en 2023, les douanes vietnamiennes font de la France le 6ème client européen du Vietnam derrière les Pays-Bas (port d’entrée pour des produits destinés à d’autres Etats membres, les Pays-Bas ont absorbé 25% des exportations vietnamiennes vers l’Union Européenne), l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Belgique, pays vers lesquels les exportations vietnamiennes ont cru de manière encore plus dynamique en 2024. Vu depuis la France, le Vietnam est le 19ème fournisseur de l’hexagone, qui n’accuse à l’égard de Hanoi aucune dépendance commerciale critique[3]. Les exportations vietnamiennes vers la France restent dominées par les produits finis à forte intensité en main d’œuvre : produits en cuir, bagages et chaussures (26% du total, en hausse de 10%) et articles d’habillement (17,6%, en hausse de 12,6%). Grâce, notamment, au dynamisme des exportations de produits informatiques (+47%), les produits informatiques et de téléphonie, ainsi que les produits électroniques grand public, constituent désormais, ensemble, le deuxième principal poste à l’export (20,5%).
2. Un déficit structurel, qui pourrait néanmoins se rééquilibrer à la marge à moyen terme
L’accroissement du déficit commercial bilatéral et l’érosion des parts de marché français relèvent essentiellement de facteurs structurels.
Le Vietnam a vu la part de son industrie dans son PIB (secteur de la construction inclus) passer de 33% à 38% entre 2014 et 2024. Cette industrialisation est notamment le résultat de relocalisations d’usines de multinationales étrangères, suivant parfois des logiques « Chine+1 » (de-risking, droits de douane américains, etc.), et intéressées par les possibilités offertes par le Vietnam pour produire ou assembler à moindre coût à des fins d’exportation vers les marchés occidentaux. Cette logique nourrit le commerce intra-groupe, qui concerne encore assez peu les entreprises françaises qui sont, au surplus, présentes en nombre limité dans le pays (environ 230 implantations contre 500 entreprises allemandes et 2 000 entreprises japonaises). Les secteurs les plus concernés par ces tendances sont, en outre, des industries (textile, électronique, etc.) désormais peu présentes en France et en Europe (qui dépendent donc structurellement des importations dans ces secteurs). Par ailleurs, sur la même période, la France a vu la part de l’industrie manufacturière dans son PIB stagner autour de 12% de son PIB, limitant ses capacités de projection à l’export. S’ajoute à cela le fait que le marché vietnamien, bien que rendu dynamique grâce à l’essor de classes moyennes, est encore très sensible au prix, peu réceptif aux principaux arguments de l’offre française (qualité, durabilité, etc.), et très concurrentiel.
A l’avenir, les évolutions règlementaires et sociétales pourraient néanmoins participer à rééquilibrer à la marge les relations commerciales entre nos deux pays.
Si la consolidation du Vietnam dans son rôle d’« atelier du monde » devrait permettre au pays de continuer à dégager d’importants excédents courants, l’entrée en vigueur de certaines règlementations européennes pourrait freiner la pénétration des produits vietnamiens sur le continent. C’est notamment le cas de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises, qui pourrait impacter négativement les exportations de produits textile, la plupart des productions vietnamiennes intègrent des intrants chinois[4]. Alors que le Vietnam rencontre des difficultés à verdir son bouquet énergétique (les émissions carbone liées à l’export représentent plus d’un tiers des émissions totales du pays[5]), l’entrée en vigueur pleine et entière du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à compter de fin 2025 pourrait aussi affecter la compétitivité prix de certains produits vietnamiens. Les produits concernés par ce mécanisme (acier, aluminium, fertilisants, etc.) ne figurent néanmoins pas parmi les premiers postes d’exportation du Vietnam vers la France. Inversement, certaines de nos exportations pourraient, à terme, tirer profit de certaines mutations en cours du marché vietnamien (émergence d’une classe moyenne, vieillissement, forte demande en infrastructures), qui restera néanmoins très concurrentiel et sensible au prix. Enfin, nos livraisons dans le domaine aéronautique qui ont fortement baissé par rapport au pic des années 2015-2017 pourraient repartir à la hausse à moyenne terme.
Structurel, le déficit enregistré par la France dans ses échanges de biens avec le Vietnam est, pour une large part, imputable au rôle joué par le Vietnam dans les chaines de valeur mondiales et à l’émergence d’une forte concurrence asiatique. Alors qu’à court terme aucune livraison n’est prévue (les prochains appareils seront assemblés à Hambourg), un rééquilibrage par le haut de nos échanges semble difficile à moyen terme. Entré en vigueur le 1er août 2020, l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Vietnam (EVFTA) a permis certaines avancées, sans toutefois induire une augmentation significative de la pénétration des produits français et européens sur le marché vietnamien. Leurs parts de marché se sont même réduites depuis 2019. Dans ce contexte, et même si les efforts visant à favoriser la pénétration des produits français sur le marché vietnamien doivent évidemment être poursuivis, c’est peut-être surtout du possible ralentissement à venir des exportations vietnamiennes vers l’Europe que pourrait provenir un rééquilibrage des échanges.
[1] En l’occurrence : produits pharmaceutiques ; chimie, parfums et cosmétiques ; produits agroalimentaires ; équipements mécaniques.
[2] Sanofi, Servier, Pierre Fabre, Biocodex, Biomérieux, Aguettant, sont implantés au Vietnam.
[3] Le seul poste d’importation pour lequel le Vietnam est un fournisseur majeur de la France sont les ouvrages de sparterie ou de vannerie. En 2023, 14,9% des importations françaises de ces produits artisanaux provenaient du Vietnam. Source : base de données FLEX (DGT).
[4] En 2022, l’industrie textile vietnamienne a été accusée de contourner le Uyghur Forced Labor Prevention Act américain.
[5] Source : “Global Carbon Project, Our World in Data” via Banque Mondiale. Il s’agit de la proportion la plus élevée de tous les pays de la région.
Rédigé par Pierre Martin ; Le Thi Tu Mai