L’histoire émouvante d’une femme vietnamienne de 97 ans en France
Sa vie a été un témoignage de dévouement envers sa patrie vietnamienne et de résilience face aux défis de la vie en terre étrangère. Son histoire restera un exemple inspirant pour les générations futures de
Madame Lê Thị Mạnh, ou Madame Giớ – le nom de son mari qu’elle aimait être appelée ainsi, était l’une des membres les plus actives de la communauté vietnamienne en France, contribuant activement à l’association Hội NVNTP pendant plus de 60 ans. Elle est décédée samedi matin le 4 mai 2024 à la maison de retraite du 9e arrondissement de Paris, à l’âge de 97 ans.
Madame Lê Thị Mạnh, ou Madame Giớ – le nom de son mari qu’elle aimait être appelée ainsi, était l’une des membres les plus actives de la communauté vietnamienne en France, contribuant activement à l’UGVF pendant plus de 60 ans. Elle est décédée samedi matin le 4 mai 2024 à la maison de retraite du 9e arrondissement de Paris, à l’âge de 97 ans.
Son âge de 97 ans était déjà remarquable, mais son histoire de vie en France, loin de son pays d’origine, nous surprend encore plus par sa détermination et son courage de femme vietnamienne de Bến Tre.
Pour exprimer notre tristesse et notre reconnaissance pour la contribution de Madame Giớ à l’UGVF au cours des décennies, nous consacrons cet hommage à sa vie et à ses sentiments pour sa patrie vietnamienne, à tous les membres de l’association et à nos lecteurs. Elle nous avait confier une partie de son histoire lors d’une interview en 2019 donnée à l’occasion des 100 ans de l’UGVF.
En 1951, à l’âge de 26 ans, Madame Giớ a laissé derrière elle ses rêves de jeunesse dans son village natal, contrainte, en tant que domestique, de suivre la famille de ses employeurs français qui retournait à Paris. On peut dire que le voyage forcé à Paris reste toujours ancré dans la mémoire de Madame Giớ. C’était la période la plus difficile de la vie de la jeune fille à cause de la séparation douloureuse avec ses parents, sa famille, sa patrie… Elle était née et avait grandi à Bến Tre, dans la région pittoresque du delta du Mékong, avec ses beaux paysages et son calme caractéristique du sud du Vietnam. En raison de la pauvreté, elle a dû travailler comme domestique. Arriver à Paris, pour beaucoup, laissait une marque dorée, mais pour elle, c’était le début de journées remplies de nostalgie pour son pays natal. Elle travaillait chez ses employeurs toute la semaine et n’avait le droit de sortir que le dimanche. Heureusement, lors de son voyage en train vers la France, elle a rencontré une autre femme dans la même situation qu’elle, et toutes deux se sont retrouvées à Paris. Chaque dimanche, elles se rencontraient pour rechercher des endroits où les Vietnamiens se réunissaient. C’est là que Madame Giớ a rencontré celui qui deviendra son mari.. Celui-ci était déjà impliqué dans ces activités et lui a ouvert de nouveaux horizons dans un moment où elle était déboussolée et anxieuse en arrivant en France, dans ce nouveau pays lointain et étrange. Elle n’avait pas les moyens de suivre des études, ni beaucoup de temps libre pour s’instruire. Son français était limité au strict nécessaire pour communiquer avec ses employeurs. Elle ne connaissait pas grand-chose de la loi, de la société ou de la culture française. Son rêve de retourner au Vietnam était flou à l’époque. La période de 1951 à 1954 était très tendue en raison de la guerre entre les deux pays. Elle se retrouvait dans une impasse, sans savoir quelle décision prendre. Comme le destin l’aurait voulu, lorsque son contrat de travail a pris fin, et que ses employeurs français lui ont demandé si elle voulait rentrer chez elle, son futur mari lui a également demandé si elle voulait rester en France avec lui et lui a fait sa demande de mariage. Elle a choisi de rester par amour pour lui. Jusqu’à présent, leur famille compte de nombreux enfants et petits-enfants prospères dans divers domaines en France. Elle disait souvent : « Être ici n’est pas aussi bien que d’être au Vietnam, même si là-bas, on n’avait pas grand-chose, mais j’ai eu la chance de rencontrer un mari gentil », reconnaissant tout ce que son mari avait fait pour elle pour qu’elle se sente à l’aise et heureuse dans cette nouvelle vie. En 1953, ils se sont mariés, et en 1955, elle est officiellement devenue membre de l’UGVF (à l’époque le Phong trào Việt kiều).
Ce sont des choix qu’elle a faits activement, volontairement et avec enthousiasme.
Née et élevée dans les rizières du Vietnam, elle était une femme très traditionnelle, travailleuse, persévérante et pleine de détermination. Pendant ses 71 ans en France, elle portait principalement les vêtements traditionnels du sud du Vietnam, n’ajoutant qu’un manteau quand il faisait froid.
Entre les difficultés de la vie en France et les occasions que la vie lui avait offertes, elle avait choisi de rester à Paris, comme un destin prédestiné. On peut dire que ses joies et ses peines étaient liées aux hauts et aux bas de l’histoire de son pays.
Elle est devenue membre de l’association pour la première fois en 1955, et jusqu’à la fin de sa vie, elle a conservé presque toutes ses cartes de membre, témoignant de son attachement sincère et de sa reconnaissance envers les idéaux qu’elle avait choisis.
Pour son conjoint, elle était toujours une femme, une épouse, une mère dévouée, prenant soin de tous les aspects de leur foyer. Elle reconnaissait la contribution immense de son mari et le considérait à la fois comme son amour et son compagnon, son camarade de lutte. Son mari l’avait guidée et encouragée dans les moments les plus difficiles, quand elle se sentait perdue et triste en pensant à ses parents, sa famille, sa patrie.
Son mari lui avait toujours facilité la participation à des activités pour la cause de la communauté vietnamienne. C’était là qu’elle pouvait parler vietnamien, assouvir sa passion pour la culture et les arts vietnamiens, en particulier l’art du cải lương et les chants folkloriques du sud du Vietnam. Pour elle, « Le Vietnam est toujours dans mon cœur ». Son amour pour la musique et son pays était sans limites. En 2021, malgré son âge avancé et sa mémoire déclinante, elle n’oubliait jamais la musique, les paroles et les mouvements des pièces de cải lương ; les mélodies du sud du Vietnam, les chansons patriotiques… Tout cela était toujours présent dans son esprit. Chaque fois qu’elle rencontrait des compatriotes venus lui rendre visite, elle exprimait sa joie en partageant sa passion pour la musique et son amour pour son pays à travers la musique, comme quelque chose de naturel et d’inné pour elle.
Malgré les défis initiaux de son mariage et de la vie en France, Madame Giớ et son mari sont restés fidèles à l’association, trouvant en elle un lien avec leurs racines vietnamiennes. Leur engagement était profond, participant activement à des événements communautaires et contribuant financièrement aux projets pour le Vietnam.
Leur foyer modeste mais rempli d’amour et de souvenirs était le refuge où ils élevaient leurs trois enfants, tous également impliqués dans la communauté vietnamienne. Même après le décès de son mari, Madame Giớ a continué à être une force vive au sein de l’association, offrant son soutien et sa sagesse.
Elle assistait régulièrement aux réunions de l’association, car elle faisait partie du comité exécutif. Elle était toujours enthousiaste et apportait sa contribution aux discussions lors des réunions. Lorsque l’association organisait des événements, elle participait toujours avec les autres membres pour préparer des gâteaux, chanter du cải lương, raconter des histoires amusantes du passé… pour rendre l’atmosphère des événements plus animée et chaleureuse. Depuis plus de deux ans maintenant, en raison de son âge avancé et de sa santé fragile, ses enfants l’ont placée dans une maison de retraite où elle reçoit des soins médicaux et une attention régulière de la part des médecins, des infirmières et des aides-soignants. Sa famille et ses enfants consacrent du temps et des ressources pour s’assurer qu’elle est bien prise en charge jusqu’à la fin de sa vie. Son engagement dans la communauté et sa participation au mouvement des Vietnamiens en France ont duré 69 ans (1955-2024). Même si son mari est parti rejoindre les ancêtres, elle continue sûrement, là où elle est, à guider et à conseiller ses enfants et petits-enfants, à les encourager à poursuivre le chemin vers le Vietnam avec l’association UGVF, à laquelle elle a consacré toute sa vie.
Paris, le dimanche 12 mai 2024
Union Générale des Vietnamiens de France