Dans cet article, nous découvrons une figure emblématique de l’Union Générale des Vietnamiens de France (UGVF) : Mme Thérèse Phan, connue sous le nom de Ky. Mme Ky s’est engagée dès la création de l’UG et elle est témoin de nombreux bouleversements de l’histoire du Vietnam. En tant que patriote vietnamienne, elle a activement participé aux mouvements révolutionnaires tout au long de sa vie. Elle a également utilisé ses connaissances et son expérience dans le domaine médical pour aider son pays en temps de guerre comme en temps de paix.

Nous avons eu l’occasion de s’entretenir avec elle pour recueillir ses confidences, permettant aux lecteurs de mieux comprendre sa vie et ses contributions significatives envers le Vietnam et à la communauté vietnamienne en France.

1. Souvenirs d’enfance

Je suis Thérèse Phan, on m’appelle souvent par Sœur Ky, du nom de mon mari. Je suis née en 1929 dans une famille aisée du sud du Vietnam. Mon père était médecin, formé en France, et ma mère, fervente catholique, est la fille d’un haut fonctionnaire de l’administration coloniale française.

J’ai été élevée à l’occidentale, tout en recevant une éducation confucéenne traditionnelle vietnamienne, qui m’enseignait la compassion, l’entraide envers les plus démunis, et l’honnêteté. Mon père, malgré son mode de vie occidental, nous inculquait les valeurs traditionnelles vietnamiennes, nous apprenant des compétences ménagères en plus de nos études.

2. Les années de jeunesse et les activités révolutionnaires

Le 14 août 1950, j’ai quitté le Vietnam pour faire des études en France. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de l’esprit  révolutionnaire de notre peuple. Pendant les 23 jours de voyage en mer à bord du navire « Champollion » avec environ 200 étudiants, nous chantions des chansons révolutionnaires tous les jours. Nous avons même célébré la fête nationale à bord. C’est à ce moment là que j’ai vu pour la première fois le drapeau rouge étoilé.

À Paris, j’ai rejoint un groupe de jeunes soutenant la révolution vietnamienne et j’ai souvent fréquenté l’association « Ái Hữu- Jean de Beauvais » (Amicale Jean de Beauvais). C’est là que j’ai rencontré des amis de Ky (mon futur mari), ce qui m’a permis de comprendre pourquoi notre peuple se battait pour son indépendance. J’ai alors commencé à participer aux activités du mouvement patriotique tout en poursuivant mes études pour pouvoir aider davantage mon pays.

En 1960, alors que j’étais en cinquième année de médecine, j’ai commencé à participer activement aux activités du Mouvement patriotique des Vietnamiens en France, notamment en soutenant les appels à manifester contre le régime de Diêm. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai décidé de rester en France pour éviter des représailles à cause de mon engagement politique, ce qui a beaucoup peiné mon père. Cependant, il a fini par comprendre et m’a encouragée à « prendre des décisions pour mon avenir et celui de mes enfants ».

J’ai ouvert un cabinet médical en banlieue parisienne, ce qui m’a permis de m’impliquer davantage dans les activités révolutionnaires de manière discrète, beaucoup ignoraient souvent mon implication révolutionnaire, me facilitant ainsi les contacts avec des personnalités influentes, y compris d’anciens haut gradés du gouvernement de Saigon.

En 1969, j’ai participé à la création de l’Association Médicale Vietnamienne. Nous avons collecté et expédié des médicaments au Vietnam pendant la guerre. Ces activités, bien que discrètes, étaient essentielles et marquantes pour moi.

3. Activités post-réunification avec le Vietnam

Après 1975, avec la paix rétablie au Vietnam, j’ai continué à m’impliquer activement en tant que membre du Bureau Exécutif de l’Association Médicale Vietnamienne en France. Nous avons organisé des envois de médicaments et d’équipements médicaux au Vietnam, particulièrement pour les hôpitaux et les centres de santé dévastés par la guerre.

En 1976, j’ai été élue au Bureau Exécutif de l’Association Médicale, devenant vice-secrétaire générale puis secrétaire générale. J’ai également occupé des postes de responsabilité au sein de l’Union Générale des Vietnamiens de France (UGVF), œuvrant pour des causes humanitaires et médicales.

Mon engagement m’a permis d’aller souvent au Vietnam, où j’ai pu constater les besoins en soins de santé et coordonner l’aide internationale. Parmi les projets notables, j’ai participé à la construction d’un hôpital dans le district de Đức Huệ, une région pauvre et difficile d’accès.

4. Reconnaissance de l’État vietnamien

En mai et octobre 2002, ma famille et moi avons été honorés par l’État vietnamien, représenté par Mme Nguyễn Thị Bình, Vice-présidente, pour nos contributions durant la guerre et les négociations de Paris sur le Vietnam. Cette reconnaissance m’a profondément émue, me rappelant les sacrifices des générations précédentes et la continuité de notre lutte pour l’indépendance et la reconstruction du pays.

5. Message aux jeunes générations vietnamiennes à l’étranger

Je souhaite rappeler aux jeunes générations leurs origines et les valeurs de notre peuple : intelligence, diligence, amour de la paix et honnêteté. Il est crucial de conserver ces qualités et de réussir dans la société pour pouvoir contribuer à notre pays.

Vivre à l’étranger est une opportunité précieuse. Il faut apprendre les aspects positifs de la culture d’accueil tout en évitant ses défauts, et, si possible, contribuer au développement du Vietnam.

Après 70 ans d’activisme à l’étranger, j’ai été témoin de nombreux sacrifices et je souhaite que mes contributions soient une source d’inspiration pour les générations futures afin qu’elles continuent à œuvrer pour le Vietnam.

J’espère que mes souvenirs et expériences encourageront les jeunes Vietnamiens à perpétuer la tradition de solidarité et de dévouement envers notre pays.

Propos recueillis par  Hoàng Thị Hồng Hà