VIETNAM – FRANCE : UN DEMI-SIÈCLE D’UNE RELATION SINGULIÈRE ET FORTE
À l’occasion des célébrations des 50 ans de l’établissement des relations diplomatiques Vietnam – France et des 10 ans de leur partenariat stratégique, l’ambassadeur de France au Vietnam, Nicolas Warnery, a accordé au Courrier du Vietnam (relevant
À l’occasion des célébrations des 50 ans de l’établissement des relations diplomatiques Vietnam – France et des 10 ans de leur partenariat stratégique, l’ambassadeur de France au Vietnam, Nicolas Warnery, a accordé au Courrier du Vietnam (relevant de l’Agence Vietnamienne d’Information) une interview exclusive sur la coopération bilatérale tous azimuts.
Le Vietnam et la France ont établi le 12 avril 1973 leurs relations diplomatiques. Pourriez-vous nous informer des résultats de la coopération bilatérale pendant ce demi-siècle ? Quels sont les secteurs prioritaires ?
Vous parlez du demi-siècle, j’aimerais tout d’abord souligner que la relation est bien évidemment plus ancienne, plus riche, plus compliquée entre la France et le Vietnam. Et le président Jacques Chirac dans sa visite d’État au Vietnam en 2004 disait que c’est une relation singulière, forte et il l’a même qualifiée de “relation du cœur”. Nous avons établi nos liens diplomatiques il y a 50 ans. La visite du président français François Mitterrand en 1993 était la première d’un chef d’État occidental au Vietnam après le Dôi moi (Renouveau) et la réouverture du pays. Il est venu à l’époque avec toute une série d’opérateurs et d’entreprises français pour relancer la coopération bilatérale. C’est pour cela que nous avons une coopération extrêmement riche, en matière économique, bien sûr, en matière de recherche, d’éducation, d’enseignement supérieur, de santé, de développement, bien évidemment. Et nous sommes allés au-delà de cette coopération très riche avec un partenariat stratégique, conclu il y a dix ans.
Nous sommes très ambitieux et souhaitons aller encore plus loin pour relever les défis communs, tels que le changement climatique, ou encore les défis concernant la sécurité dans la région.
La coopération économique est un pilier important des relations franco-vietnamiennes, notamment depuis la signature du partenariat stratégique en 2013. Envisagez-vous de la promouvoir ? Et par quels moyens ?
La coopération économique est l’un des domaines très importants de notre relation bilatérale. Il y a des échanges commerciaux dans un sens comme dans l’autre, des investissements croisés ou bien l’implantation durable d’hommes d’affaires français qui créent leur entreprise et développent leurs activités au Vietnam. Nous souhaitons développer davantage ces échanges et ces investissements, mais aussi les rééquilibrer. C’est pour cette raison que nous comptons sur une mise en œuvre pleine et efficace de l’Accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Vietnam (EVFTA) entré en vigueur en 2021 pour aller encore plus loin dans ce domaine.
Ces relations économiques sont aussi fondées sur de grands projets. J’aimerais citer par exemple la ligne 3 du métro de Hanoï, un projet emblématique où l’État et l’Agence française de développement (AFD) interviennent beaucoup. Six entreprises françaises de haute technologie interviennent aussi dans ce projet. Il y en a aussi d’autres qui visent un développement durable, promouvant la transition énergétique et permettant au Vietnam de poursuivre son développement économique. Par exemple, la coopération avec le groupe Électricité du Vietnam (EVN), ou plus concrètement la modernisation de la centrale hydroélectrique de Hoà Binh, qui vont permettre d’avoir une source d’électricité plus abondante et moins carbonée.
Un autre domaine sur lequel j’aimerais aussi insister, c’est le développement et la sauvegarde des infrastructures durables et pérennes. Par exemple, le futur marché de gros de Hanoï, la rénovation du pont Long Biên, qui est à la fois patrimoniale et culturelle, le développement de moyens de transports durable avec non seulement le métro mais aussi les lignes de bus…
Au-delà de la coopération économique, nous voulons également développer et concrétiser notre partenariat stratégique dans tous les domaines, y compris la défense et la sécurité qui sont un des points importants de ce partenariat.
La coopération décentralisée est une spécificité de nos relations. Davantage de jumelages entre collectivités locales sont-ils prévus, sachant que les 12es Assises de la coopération décentralisée franco-vietnamienne auront prochainement lieu, du 13 au 15 avril à Hanoï ?
J’aimerais dire que cette coopération décentralisée nous a beaucoup étonnés de part et d’autre, tant en France qu’au Vietnam. C’est quelque chose de spécifique qui vient compléter les relations d’État – État et les dialogues politiques de nos dirigeants. La coopération décentralisée, par définition, implique les communes, les départements, les régions, du côté français, et les provinces du côté vietnamien. Cela implique aussi des universités de deux côtés, des hôpitaux, des écoles, parfois des associations.
C’est une coopération extraordinairement riche, une amitié qui unit les peuples à tous les niveaux et dans tous les domaines. Cette coopération va effectivement être illustrée, être mise en valeur très prochainement par les 12es Assises de la coopération décentralisée que nous organisons avec le ministère des Affaires étrangères (MOFA) et le Comité populaire de Hanoï. Ces assises sont importantes parce que ce sont les premières après la période de COVID-19, qui vont permettre donc aux collectivités de se retrouver, de reprendre en direct le dialogue qu’elles ont maintenu en ligne mais dans des conditions difficiles pendant la pandémie. Ces assises vont permettre peut-être aussi de créer de nouveaux partenariats, et de manière générale, de dialoguer et d’aborder ensemble autour des sujets d’intérêt commun.
La coopération décentralisée, ce n’est pas seulement signer des accords, c’est aussi vraiment travailler ensemble. Par exemple, il y a un an, des experts envoyés par la région Ile-de-France ont travaillé avec les spécialistes de Hanoï sur des sujets très concrets, comme les modes de déplacement pérennes et modernes (métro, bus, etc.). Ce sont effectivement des défis communs que nous voulons relever ensemble, comme ceux du changement climatique, de la pollution, des transports et de l’aménagement urbain. Le thème de ces assises sera précisément : le développement urbain et rural durable, le patrimoine, la culture, et le tourisme.
La culture et l’éducation constituent aussi des secteurs phares de la coopération bilatérale. Pourriez-vous nous en parler un peu plus ? Et quels seront les projets les plus marquants de cette année pour le double anniversaire des 50 ans de nos relations diplomatiques et des 10 ans de notre partenariat stratégique ?
En décembre 2022, le logo des 50 ans des relations Vietnam – France était dévoilé par le président du Sénat français Gérard Larcher et le président de l’Assemblée nationale vietnamienne Vuong Dinh Huê. Son slogan est “Cultures partagées”, autrement dit, nous avons, dans les cultures française et vietnamienne, beaucoup en commun. Notre coopération culturelle est d’ailleurs extraordinairement variée. Elle touche la littérature, le débat d’idées, la danse, la musique, le cinéma, la photo… Elle concerne une variété de domaines et nous avons essayé de la refléter dans la programmation culturelle de ces 50 ans. Il y a déjà eu deux très belles expositions, l’une sur l’histoire du pont Long Biên en décembre dernier, l’autre avec l’École française d’Extrême-Orient au Temple de la Littérature sur l’histoire de ce lieu. Ce sont deux des sites les plus remarquables de la ville de Hanoï.
Nous organisons aussi “Balade en France”, un évènement grand public qui touche la gastronomie, la culture de la cuisine, la culture du vivre ensemble et de la convivialité. “Balade en France” organisée juste après les Assises de la coopération décentralisée, apporte la culture dans la rue, pour le grand public. Et puis, il y aura aussi de très beaux évènements dont un spectacle autour du Petit Prince, un conte musical à l’Opéra de Hanoï. Il y aura à la fois de la musique, des dessins tirés d’une bande dessinée consacrée au Petit Prince, et le texte de ce livre, qui est très connu. Ce sera effectivement la rencontre de plusieurs disciplines artistiques.
Et en fin d’année, nous aurons aussi un rendez-vous sur la mode à Hô Chi Minh-Ville. En outre, en décembre prochain, nous prévoyons un spectacle son et lumière dans la citadelle à Huê, province de Thua Thiên-Huê (Centre), qui sublimera ce monument exceptionnel du Vietnam.
En matière d’éducation, nous avons établi une coopération aussi très importante que nous entretenons à deux niveaux : l’éducation primaire et secondaire jusqu’au bac ; et puis l’éducation dans l’enseignement supérieur et la recherche, y compris les études supérieures et les filières d’échanges universitaires. Nous essayerons de célébrer partout une série d’évènements dans les écoles avec les professeurs de français et les élèves francophones, notamment dans les filières d’excellence. Nous aurons également des cycles de conférences universitaires, des journées scientifiques et des conférences universitaires.
La visibilité de la francophonie s’érode peu à peu au Vietnam face au développement de l’anglais. L’ambassade de France a-t-elle des programmes de développement du français au sein des écoles et de renforcement de la coopération avec des partenaires francophones vietnamiens, dont Le Courrier du Vietnam, le seul journal en langue française dans le pays ?
Nous sommes très actifs dans la francophonie avec tous nos partenaires comme l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), les autres pays francophones, qui sont présents au Vietnam. Vous avez raison de dire que Hanoï est très importante pour la francophonie. Elle est la capitale de la francophonie pour la région puisque c’est ici que se trouvent les sièges de l’AUF en Asie-Pacifique et de la Représentation régionale de l’OIF.
J’ai aussi plaisir à saluer Le Courrier du Vietnam, un journal que nous lisons très régulièrement et que nous aimons beaucoup. Grâce à vous, nous découvrons la culture, la gastronomie et aussi le développement du Vietnam d’aujourd’hui : le tourisme, l’économie, la santé… En bref, vous montrez, numéro après numéro, que le français est une langue de partage. Vous êtes donc pour nous un des grands amis dans la famille francophone. Et je salue la mission que réalise votre équipe.
Par Hông Anh – Le Courrier du Vietnam – 12 avril 2023